Cahier spécial de la commission fédérale « Répression anti-syndicale et criminalisation du mouvement social »

septembre 2004

Dossier sur le site original

Dossier Commission Répression, p. 4
Dossier Commission Répression, double page centrale
Dossier Commission Répression, p. 1

Répression anti-syndicale
Passer à l’offensive !

Suite aux grèves de 2003, une vague de répression s’est abattue sur les acteurs du mouvement social.
Les attaques contre les droits syndicaux sont générales, le règne du non droit en la matière s’installe.

A Sud éducation, nous avons eu la primeur de l’attaque contre le droit de grève dans la Fonction Publique avec la lourde sanction appliquée à l’un de nos militants, Roland Veuillet, pour sa participation, jugée trop active, au mouvement de 2003. L’affaire de Roland a marqué l’ouverture d’une politique ostensiblement anti-droit de grève dans la Fonction Publique.

- La publication de ce quatre pages fédéral est la première étape pour passer à l’offensive sur ce sujet de la répression anti-syndicale, et sortir ainsi d’une position défensive : ce sera l’un des objectifs de la campagne de rentrée des Sud éducation.

- En effet, le « recensement » montre une nette recrudescence des cas de répression anti-syndicale dans la Fonction publique et les services publics. Pour retrouver des attaques d’une telle gravité contre des grévistes dans les services publics, il faut remonter à 1989, avec l’affaire des 7 militants de Sud Ptt du centre de tri de Lezennes. La similitude est frappante avec l’affaire de notre camarade Roland Veuillet : il s’agissait également de lourdes sanctions envisagées dans le cadre d’une grève, sur fond de changement de statuts dans la fonction publique, préparant une privatisation. La similitude se constate aussi sur les méthodes (cabales montées de toutes pièces) et sur la détermination et la capacité de résistance des militants sanctionnés.

- Au vu de ces constats, la nécessité d’intégrer la dimension de la répression dans la construction des luttes devient dès lors évidente, et, naturellement pour les Sud Éducation, l’union interprofessionnelle s’impose comme un élément essentiel de cette construction. C’est pourquoi la Fédération des syndicats Sud éducation propose la création d’une commission répression du mouvement social au sein du G10-Union Solidaires, en vue d’une mutualisation des expériences des syndicats de Solidaires :

  • mutualisation des compétences juridiques, et des soutiens financiers
  • mutualisation organisée des soutiens militants, tant au niveau des positions de nos fédérations et syndicats, qu’au niveau de l’indispensable mobilisation qui seule peut créer un rapport de force capable de faire pencher la balance juridique du côté des camarades poursuivis par la répression
  • Mutualisation des formations syndicales : en lien avec les camarades de nos secteurs juridiques, les syndicats de la magistrature et des avocats, pour une étude de toutes les formes de répression (comme le harcèlement moral)et des outils pour les contrer.

Mais passer à l’offensive suppose non seulement de construire la mobilisation, mais aussi de s’attaquer, par tous les moyens, y compris juridiques ou de désobéissance civile, aux institutions (et à leurs représentants trop zélés) qui remettent en cause la liberté d’action syndicale et le droit des travailleurs.


L’arbitraire ne passera pas !

Notre camarade Roland VEUILLET, CPE, est maintenant à Lyon depuis un an, muté d’office hors de l’Académie de Montpellier à la suite d’une procédure disciplinaire engagée contre lui, pour avoir « porté atteinte au bon fonctionnement de son lycée et pour avoir mis en danger les élèves ». En fait on lui reproche d’avoir participé activement à la grève des surveillants et des Aide-Educateurs de janvier 2003, et de s’être opposé au remplacement des surveillants grévistes par des Maîtres au Pair (de grands élèves en situation précaire).

Rappelons les faits. A la rentrée 2003, une coordination des surveillants et des Aide-Educateurs se met en place à Nîmes pour lutter contre la suppression de leur statut, soutenue par FO et Sud. A la mi-janvier, la Coordination Nîmoise appelle à la grève reconductible, notre camarade se met en grève. Le mouvement est bien suivi, très déterminé, des enseignants participent au collectif d’animation. Une offensive est menée par certains directeurs pour briser la grève : négation du préavis de grève, convocations à des entretiens individuels, exigence « d’un service minimum », appel téléphonique au domicile, etc.

Au lycée où travaille Roland, le mouvement résiste à ces pressions. Le service de l’internat est alors désorganisé par des informations contradictoires données aux élèves d’un jour sur l’autre, et ces dysfonctionnements, de la responsabilité de l’administration, sont attribués aux grévistes. Puis la direction exige le remplacement des grévistes par de grands élèves -sans succès- Enfin une véritable campagne d’intoxication est engagée pour monter les enseignants, les élèves, et les parents contre ce mouvement, qualifié sur une affiche placardée dans la cour d’« agitation sans fondement ». Le 30 janvier, le proviseur harangue les enseignants, en salle des professeurs, pour les inciter à faire « une pétition contre Veuillet ». Si les enseignants et les élèves ignorent ces appels au lynchage, il n’en va pas de même pour certains des parents élus au CA qui siège le même soir : c’est ainsi que Roland s’est vu agressé physiquement par l’un d’eux dans le local de la Vie Scolaire (où il avait été attiré par les commentaires du proviseur), en présence des Maîtres au Pair. Ces incidents graves seront bien évidemment imputés...à leur victime.

À la suite de cela, notre camarade a été suspendu avec comme seul motif le rapport du proviseur, daté du 31 janvier (1) lui reprochant exclusivement des activités syndicales pendant une grève : « être badgé gréviste, distribuer des tracts, organiser des réunions, s’adresser aux non-grévistes...car tout cela risque de créer de graves incidents ». Curieusement les incidents qui viennent de se produire la veille au soir, ne sont pas cités dans ce rapport : et pour cause ! La déformation de la réalité n’a pas encore été mise au point par les véritables agresseurs.

Ensuite, l’Administration eut recours à quelques témoignages de complaisance (tous rédigés par des gens évoluant dans l’entourage rapproché du proviseur). Le Recteur refusera d’engager une enquête sur le lycée par rapport aux pratiques autoritaristes de ce proviseur, maintes fois dénoncées par l’Intersyndicale (reçue à cet effet au rectorat les 9 juin 2001 et 24 avril 2002). Il refusera aussi de retenir les témoignages écrits déposés par la défense : ceux-ci ont été purement et simplement « omis » dans le compte-rendu du conseil de discipline !

Celui-ci, réuni le 15 avril 2003, fut une véritable parodie de justice, offrant un spectacle affligeant : le proviseur qui bafouille lorsque des questions précises lui sont posées, ses adjoints qui le contredisent et se contredisent eux-mêmes, trois délateurs venus dénoncer leur collègue mais déboutés dans chacune de leur déclaration, trois parents « usagers en colère » qui reconnaissent n’avoir pas assisté aux faits qu’ils ont décrit incriminant Roland, et avoir reproduit « ce qu’on leur avait dit (sic) ». Enfin le recteur qui répond à la place des témoins, qu’il a pourtant lui-même choisis, dès que leurs propos ne lui conviennent plus. Ce Conseil de Discipline a tout de même permis de faire la démonstration qu’aucune faute ne pouvait être reprochée au CPE syndicaliste. Toutes les charges de l’accusation ont été démontées point par point. Aucune sanction ne fut votée.

Cela n’a pas empêché le Recteur de réécrire l’histoire en rédigeant un Procès Verbal aux antipodes de la réalité des débats entendus lors de cette audience (2). C’est sur la base de ce document « arrangé » que Luc Ferry a prononcé la sanction applicable dès le 3 juin : un « pour l’exemple ».au moment où les examens étaient menacés.

Par la suite François Fillon a pris la décision de doubler cette sanction en imposant à Roland Veuillet une deuxième année à Lyon. Alors qu’en même temps il refuse la constitution d’une commission d’enquête qui rétablirait la vérité, et démontrerait les graves atteintes au droit syndical et au droit de grève que contient ce dossier.

- Comme on le voit, cette procédure disciplinaire a été un acte de répression anti-syndicale, une mesure de criminalisation du mouvement social. Elle est aussi une cabale montée de toutes pièces pour briser violemment une grève et pour intimider l’ensemble du personnel.
- Cette affaire a suscité une forte mobilisation dans l’académie : 3 rassemblements devant le rectorat ont regroupé plusieurs centaines de personnes ; une pétition a été signée par plus de 5000 personnels de l’EN. Cependant, l’effondrement du mouvement du printemps 2003 et la rentrée morose qui l’a suivie, n’ont pas permis de maintenir le rapport de force nécessaire pour faire céder le ministère.
- Depuis, de nombreuses démarches auprès des tribunaux ont été engagées, mais leurs résultats ne sont pas immédiats, et les délibérations de l’appareil judiciaire sont fortement conditionnées par l’état de la mobilisation.

Roland de son côté a entrepris une forme originale d’action : « les arbitrairathons », qui consistent à courir sur des distances longues (4 500 km ont été parcourus en un an), pour maintenir la pression et affirmer que face à l’arbitraire on ne doit jamais se résigner. Ces actions ont eu un réel écho médiatique... Mais aucune réponse du ministère !

A présent le combat continue contre cette sanction inique. Il est hors de question de passer à côté de cette remise en cause du droit syndical et du droit de grève. L’affaire va donc maintenant être portée au pénal pour harcèlement professionnel sur discrimination syndicale et pour faux en écriture.

Notre syndicat engagera en même temps une campagne nationale de mobilisation contre l’extension de ces méthodes qui visent :
- en premier lieu à intimider les militants et à paralyser l’action syndicale,
- et à terme à transformer en profondeur le droit syndical par le biais de procédures contestables, mais qui font jurisprudence dès lors qu’elles sont entérinées.

voir texte original sur les p.1 et 2 du dossier, voir pages 120 à 156 du dossier en ligne.


Quelques cas emblématiques de la répression du mouvement social du printemps 2003

THIERRY OUDIN, le militant ouvrier métallurgiste condamné par le tribunal

Le 12 juin 2003, des centaines de milliers de personnes défilent encore dans la rue pour exiger le retrait des projets de réforme des retraites et de décentralisation du gouvernement Raffarin 2. à Blois (Loir-et-Cher), avant la dispersion des manifestants regroupés devant la préfecture, un petit feu de palettes en bois est allumé au pied du portail métallique de la cour du bâtiment, et la fumée qui s’en dégage endommage le digicode du portail. Peu de temps après, Thierry Oudin - militant C.G.T de l’entreprise Delphi, responsable de sa puissante section d’établissement mais opposant déclaré à la direction départementale « stalinienne » de son syndicat, apprend qu’il est arbitrairement visé par une plainte nominative du préfet pour « incendie involontaire et dégradation de bien public », ce qui le met sous la menace de l’emprisonnement ferme. Aussitôt se constitue à l’initiative de la C.G.T Delphi un informel comité de soutien regroupant une quarantaine de militants - partisans de la grève générale - de diverses organisation politiques et syndicales (C.G.T, Sud éducation, F.S.U, L.C.R, P.C, L.O), alors que plus tard la direction départementale de la C.G.T crée en parallèle un officiel « comité de défense des libertés », auquel seule la F.S.U — dont la stratégie consiste à coller au plus gros - participe. Le jour de sa convocation par la police, le comité informel est là pour soutenir Thierry, et dès que la date du procès est connue, ce comité diffuse avec succès une pétition de soutien (près de 3 000 signatures). Dans le même temps, la pétition concurrente lancée par le « comité de défense des libertés » et qui n’évoque même pas précisément le cas de Thierry” s’avère un échec (moins de 300 signatures). Le 25 novembre 2003, jour du procès devant le tribunal correctionnel, environ 300 personnes sont rassemblées face au palais de justice, et plusieurs syndicats (C.G.T, F.S.U, Sud) ont appelé à la grève de soutien. Thierry est défendu par une avocate et soutenu par la fédération nationale C.G.T des métallos. Quand le jugement est rendu (condamnation à environ 1 300 euros d’amende et de dommages et intérêts pour “dégradation de bien public”), une forte escouade de flics est mobilisée pour des prunes puisque Thierry est seulement accompagné par le secrétaire de sa section syndicale. Celle-ci organise ensuite une tombola de soutien interne à l’entreprise et à la branche métallurgie, qui permet de rapidement récolter environ 2 000 euros. D’autre part notre camarade condamné en premier ressort décide de renoncer à tout appel car il n’a pas totalement confiance en la justice de son pays, et de refuser le paiement de l’avocate par l’union départementale de son syndicat car le “soutien” de celle-ci fut trop ambigu. Pour financer le reliquat des frais d’avocat (environ 600 euros), le comité informel de soutien lance une souscription, à laquelle Sud éducation Orléans-Tours contribue pour 50 euros. Les militants de la C.G.T Delphi ont boycotté la fête départementale de la C.G.T le premier mai 2004, ainsi que la manifestation du 5 juin 2004 contre le projet de réforme de la Sécu, mais le comité informel de soutien, mis en sommeil pendant les périodes électorales, devrait se réunir à nouveau.

JEAN COZAR, le maître auxiliaire viré par le recteur

Pendant les mois d’avril, mai et juin 2003, Jean Cozar, maître-auxiliaire garanti de réemploi d’Espagnol au collège V. Hugo de Mazères en Ariège et militant SNES, est en grève reconductible. Fin juin, il apprend que le rectorat de Toulouse a mis fin à ces fonctions après avis favorable du groupe de travail M.A (groupe de travail issu de la Commission administrative paritaire composée notamment d’élus syndicaux), au double motif que d’une part notre collègue n’aurait pas renouvelé ses voeux dans les délais - ce qui équivaudrait à un “abandon de poste”, et d’autre part il était “absent sans justification administrative en avril-mai-juin 2003”. Ainsi le rectorat nie la réalité d’un fax de renouvellement pourtant certifié par son chef d’établissement, mais aussi le fait que Jean était tout simplement en grève. Un comité de soutien intersyndical (C.G.T, C.N.T, F.S.U, Syndicat Occitan de l’éducation, Solidaires) se constitue alors pour organiser sa défense que le SNES n’assure pas, et pour lui apporter une aide financière via une caisse de grève départementale, diverses contributions de plusieurs syndicats Sud éducation ou individuelles, ainsi que le versement d’une journée de salaire des personnels de son établissement. Notre collègue viré obtient une entrevue au rectorat, mais celle-ci ne donne rien. Il envisage donc d’introduire des recours juridiques contre cette décision inique : recours hiérarchique d’abord , recours en annulation pour excès de pouvoir devant le tribunal administratif ensuite.

JOËL AUGUY / FRANçOIS BORY / BERNARD FAGEOT / JOSé GONZALEZ / JACQUES MAIRE / BENOÎT MASSOTEAU / JEAN-PAUL PALUSZEK, Les 7 enseignants de L.P. menacés de poursuites disciplinaires par le recteur.

Début juin 2003, plusieurs dizaines d’enseignants en grève en Vaucluse et dans les Bouches du Rhône participent à des actions de blocage des examens dans divers établissements (lycées professionnels R. Schuman d’Avignon et Domaine d’Eguilles de Vedène, lycée F. Mistral d’Avignon, lycée professionnel d’Istres, université d’Avignon notamment). Fin janvier, 22 d’entre eux (5 du L.P. R. Schuman, 2 du L.P. Domaine d’Eguilles, 15 d’Istres), arbitrairement choisis, sont informés par lettre du rectorat qu’ils sont l’objet d’une procédure disciplinaire pour “blocage du déroulement des épreuves du C.A.P. ou du B.E.P.”. Le proviseur du L.P. R. Schuman écrit début février au recteur pour demander “que l’accident de parcours que les 5 enseignants de son établissement ont connu n’entrave pas le déroulement de leur carrière et que la sanction qui sera prononcée tienne compte de leur qualité”. Parmi les 7 collègues mis en cause en Vaucluse, 2 seulement sont syndiqués à la C.G.T et à Sud éducation. C’est à l’initiative de Sud. 84 qu’un comité intersyndical départemental (C.G.T, F.S.U, U.N.S.A, F.O, Sud) de soutien est mis en place pour demander l’abandon des poursuites disciplinaires engagées à l’encontre des ”7 d’Avignon”. Ce comité diffuse avec succès une pétition de soutien ainsi qu’une lettre personnelle de solidarité dans laquelle les participants aux actions de blocage demandent au recteur l’application d’un traitement identique si des sanctions sont prises. Cependant le SNES, qui condamne publiquement toute action de blocage des examens, agit unilatéralement en annonçant qu’à l’issue d’une rencontre avec le recteur son secrétaire académique aurait obtenu de celui-ci “l’abandon de son intention de réunir le conseil de discipline” et que les collègues visés s’en tireraient avec “un avertissement par courrier”, puis en exerçant même des pressions sur les collègues concernés pour qu’ils acceptent cet avertissement et adressent une lettre d’excuses. Les “7 d’Avignon” dénoncent cette basse manoeuvre de démobilisation par un communiqué dans lequel ils précisent qu’ils ne cautionnent en rien ce mauvais”deal” passé entre le bureaucrate d’un syndicat auquel ils n’adhèrent pas et le recteur, et appellent à la relance de la mobilisation collective pour le refus de toute sanction. Le 18 févier, le recteur informe par courrier nos collègues menacés de conseil de discipline qu’il abandonne les poursuites disciplinaires à leur encontre mais que sa lettre constitue un “avertissement moral” bien que non versée à leur dossier administratif.


Un florilège des armes de restriction/répression des activités syndicales :

LES POURSUITES DISCIPLINAIRES

Elles sont engagées contre un ou des individus via un conseil de discipline par l’autorité hiérarchique supérieure suite à un rapport accusatoire établi par une sous-autorité hiérarchique.
- par le président de l’université pour “atteinte au matériel de sécurité et utilisation de la qualité d’enseignant pour faire pression psychiquement sur les étudiants” ( PARIS I, 2003) ou pour “tentative d’occupation de l’université”, “fraude aux examens”, “insultes”, “violences”, “graffitis” contre plusieurs étudiants suite à des appels à la grève et à l’occupation de locaux (NANTERRE, 2003).
- par la direction de l’hôpital pour “violation du devoir de réserve” contre une infirmière suite à sa prise de position publique dans la presse quotidienne nationale (EVRY/CORBEIL, 2004).
- par le recteur suite à un rapport du chef d’établissement pour “blocage du déroulement des épreuves du C.A.P ou du B.E.P.” (ISTRES, VEDèNE, AVIGNON - 2003) contre plusieurs enseignants en grève, ou pour “faute professionnelle (abandon de poste)” contre un maître-auxiliaire en grève(MAZèRES, 2003)
- par la direction de l’entreprise (demande de licenciement avec mise à pied conservatoire) pour “harcèlement de son supérieur hiérarchique” contre un délégué syndical (AVENTIS, 2004).
- par la direction de l’entreprise pour “faute lourde” contre des agents en grève (E.D.F, 2004).
- par l’association Scène Nationale-Maison de la Culture (demande de licenciement) pour “faute grave (manquement au devoir de réserve)” contre le directeur suite à sa prise de position publique dans la presse spécialisée (AMIENS, 2004).

LES POURSUITES PÉNALES

Elles sont engagées contre un ou des individus via le tribunal correctionnel par le procureur suite généralement au dépôt d’une plainte...
- du préfet pour “dégradation de bien public” (digicode de la préfecture) contre un militant métallurgiste en grève (BLOIS, 2003).
- de la SNCF pour “envahissement des voies de chemin de fer” contre des enseignants et des postiers en grève (TOURS, 2003).
- du procureur pour “rébellion avec violence” contre un militant suite à son agression par un gendarme (PRIVAS, 2004).
- du président de l’université pour “atteinte à l’autorité de l’état, destruction et dégradation dangereuses, rébellion” contre des étudiants suite à l’occupation de locaux (PARIS I, 2003).
- de la direction de l’entreprise pour “incendie volontaire” contre un délégué syndical suite à l’incendie de l’usine occupée (DAEWOO/MEUTRHE ET MOSELLE, 2003).
- de la direction de l’entreprise (une centaine de plaintes contre X) pour “dégradation de matériel, mise en cause de la sécurité des personnes et des biens, et coupures de courant”, mais aussi procédures en référé pour obtenir la levée des piquets de grève à GOLFECH notamment contre des agents en grève (E.D.F, 2004).

LES ACTES D’INTIMIDATION OU D’OBSTRUCTION

- invocation des “nécessités du service” par l’I.E.N. pour refuser à un enseignant un congé pour formation syndicale (Bouche- du-Rhône, 2003).
- invocation “des absences et du tempérament rigide” pour refuser à une surveillante le maintien sur poste, demander sa démission et la transformation de son statut (éCULLY, 2003).
- demande d’expulsion d’une étudiante de son logement par la directrice du C.R.O.U.S. pour “comportement indécent du copain” (MONTPELLIER, 2003).
- évacuation du bureau de l’intendant (GOUSSAINVILLE, 2003) et du bureau du proviseur (GONESSES, 2003) occupés par des enseignants et des parents par les forces de l’ordre à la demande du préfet.
- dénonciation d’étudiants contestataires au président de l’université par les dirigeants d’un syndicat étudiant, et blocage de leur accès à des locaux par des vigiles à la demande du président de l’université (NANTERRE, 2003).
- convocation d’un responsable syndical par la police pour subir un prélèvement biologique en vue de son inscription au fichier des empreintes génétiques institué par les lois Perben (MARSEILLE, 2004).
- instrumentalisation des “jaunes” par le chef d’établissement via une pétition de soutien à des pratiques autoritaristes (licenciement d’un précaire) contestées par des enseignants élus au C.A. de leur établissement (MARSEILLE, 2004).
- diffamation publique d’un enseignant militant du primaire via la presse quotidienne régionale par le maire suite à une mobilisation victorieuse contre la fermeture annoncée d’une école primaire (Saint-Jean-de-Braye, 2004).


Lois Perben

Répression aux dépens de la prévention et des libertés individuelles

Les premières lois Perben, en 2002, concernaient la justice des mineurs. Elles constituaient une remise en cause du principe même de l’ordonnance de 1945 (à l’origine de la juridiction particulière pour les mineurs), qui privilégiait l’action éducative et la prévention, contrairement à la nouvelle logique répressive.

Perben 1 2 3
Par Faujour

La « loi Perben 2 », adoptée au Parlement en février 2003, s’attaque en théorie à la « grande délinquance ». Elle vise à « lutter contre les grandes organisations qui peuvent mettre en péril notre société » (criminelles et terroristes) et rendre le traitement de la délinquance « plus efficace et rapide ».

Pour cela, elle introduit de nouveaux outils dans l’institution policière et judiciaire : garde à vue de 4 jours (au lieu de 2), y compris pour les mineurs de 16 à 18 ans ; intervention plus tardive de l’avocat (au bout de 48 h) ; infiltration de policiers dans les réseaux ; perquisition de nuit ; écoutes téléphoniques ; officialisation des systèmes de « repentis » ; en bref, renforcement du pouvoir policier au détriment des libertés individuelles.

A cela s’ajoute l’introduction dans le système judiciaire français du « plaider coupable », inspiré du système américain. L’objectif en est de simplifier les procédures, en proposant à une personne une amende ou une peine allégée sans procès public. Le pouvoir du procureur, donc à nouveau le côté répressif, s’en trouve accru au détriment du juge. C’est la remise en cause du droit à un procès équitable, garant dans le droit français du principe de présomption d’innocence et d’égalité devant la justice. Comme le souligne Roger Badinter, « avec le plaider coupable, on escamote l’audience, on tombe dans la répression administrée et on ouvre la voie à tous les soupçons » [1].

La logique est claire : sous le couvert d’une lutte contre le « grand banditisme », cette loi ouvre la voie au renforcement du pouvoir policier et répressif bien au-delà de la « criminalité organisée » [2] : le champ couvert par la loi reste suffisamment flou pour inclure des délits comme « l’aide au séjour irrégulier des étrangers », dès lors qu’ils sont censés être commis en « bande organisée » ! On voit donc le lien avec l’acharnement policier (écoutes téléphoniques) sur les deux militants de C’SUR poursuivis en justice à Boulogne.


Nord - Pas de Calais
Comment apprendre la pensée unique ?

Répression et intimidation

On muselle donc toute velléité d’action pour la défense de ces droits par une criminalisation et une mise au pilori de militants. La démarche est simple : plutôt que de s’attaquer à des organisations, on poursuit des individus. Cette individualisation a pour but d’isoler certains membres de l’action collective. Ceux-ci sont convoqués devant la justice comme de vulgaires délinquants pour des délits déformés ou souvent imaginaires. Il s’agit d’un harcèlement visant non seulement à dénigrer de justes revendications, mais également à effrayer les gens et les épuiser, eux et leurs soutiens, dans le labyrinthe judiciaire.

Les exemples de cette méthode se multiplient. Ainsi, ceux qui luttent contre les licenciements subis se voient arrêtés et convoqués au commissariat pour des pseudos vols sur leur ancien lieu de travail !

La Confédération Paysanne a maintes fois essuyé ce genre de répression. Dans notre région, son porte-parole, Jean-Michel Sauvage, fut accusé à tort d’avoir cassé le poignet d’une employée d’Auchan lors d’une action au printemps 2003 avec les personnels de l’éducation. Relaxé par le Tribunal d’Arras, il est néanmoins convoqué de nouveau devant le Tribunal d’appel de Douai, en septembre, à la demande du procureur. On ne peut que constater l’acharnement contre un innocent dans le but de discréditer l’ensemble d’une organisation jugée trop revendicative et trop active.

Délit de solidarité

D’autre part de nouveaux crimes se constituent : dernier né, le délit d’humanité ! Il cible celles et ceux qui soutiennent activement les sans papiers. Deux militants du collectif C’SUR ont été accusés d’être des passeurs. Traités comme des criminels, privés de leurs papiers, ils ont du se présenter régulièrement au commissariat. Convoqués devant le Tribunal de Boulogne le 2 juin en même temps que de réels passeurs, leur procès a été reporté au 1er juillet, puis finalement au 19 août à Boulogne. Une mobilisation efficace et déterminée a accompagné une audience de 18 heures, au terme de laquelle les deux inculpés ont été reconnus coupables, mais « dispensés de peine » !

Dans le secteur social, Olivier Pira, éducateur social et syndiqué à Sud Santé-Sociaux, a été mis en garde à vue pour aide au séjour irrégulier d‘un étranger rencontré dans le cadre de ses missions professionnelles. Son crime : il a conseillé à ce jeune d’avoir des photocopies de ses papiers pour éviter de se voir confisquer ses vrais papiers.

Choix aléatoire de coupables

Autre exemple, les 12 d’Avelin sont traduits en justice pour avoir arraché des betteraves OGM. Sur une quarantaine de manifestants, seuls 12, tirés au hasard à partir des immatriculations relevées ce jour-là, seront incriminés. Le côté aléatoire de la méthode en dit long : il fallait des coupables pour l’exemple ! D’autres cas similaires sont légion.

Le rôle des médias

La systématisation de ces procédés montre la volonté inflexible et brutale d’un pouvoir cherchant à instaurer un climat de suspicion. En cela il est largement relayé par les médias dominants. Menée par des logiques marchandes, l’information diffusée se contente bien souvent de mettre en scène la peur de l’autre et de véhiculer les idées sécuritaires ambiantes. Jamais n’est dénoncée l’insécurité sociale créée par la libéralisation de l’économie et la précarisation des salariés et des chômeurs.

Les lois Perben

Les nouvelles lois sécuritaires réduiront encore davantage la marge de manœuvre de ceux et celles qui refusent une politique libérale qui enrichit toujours les plus riches, affaiblit les plus pauvres, et tend à limiter l’expression critique ou revendicative. L’instauration progressive d’un état policier répond aux problèmes sociaux par un délire sécuritaire.

Désobéissance civile

Certes, certaines actions dépassent le cadre réglementaire. Faut-il pourtant renoncer à des luttes contraires à la loi si le but est de changer une loi inique ? La désobéissance civile se développe et permet une prise de conscience. Des citoyens créent des collectifs (exemple des collectifs locaux de faucheurs volontaires d’OGM, les antipubs), d’autres occupent des usines.

Une seule réponse dans ce combat : solidarité ?

Il reste que pour faire aboutir ces luttes (sans papiers, défense de l’emploi, défense de l’environnement et de la sécurité alimentaire, culture, éducation...) et s’opposer à leur criminalisation, une seule réponse collective plus large est nécessaire. Seule une mobilisation suffisamment déterminée et unitaire permet une défense efficace face à l’outil pernicieux de la judiciarisation et de l’individualisation.

Sud éducation continuera de lutter, de soutenir et d’être aux côtés de celles et ceux subissant les mesures sécuritaires aveugles et sourdes à la justesse des luttes.


FATY MAYANT LICENCIÉE LE 15 MAI 2004 PAR ACCOR/ARCADE

Faty Mayant

Motif : Représentante syndicale Sud Nettoyage. Porte-parole des grévistes lors du conflit d’un an “des femmes de chambre d’Arcade” qui a obligé la multinationale Accor à accepter leurs revendications. Impliquée dans tous les combats contre l’esclavagisme moderne mené par certains grands groupes internationaux, le respect du droit du travail, de l’égalité hommes/ femmes, des travailleuses et travailleurs immigrés, de leur dignité... « Incompatible avec les valeurs moyenâgeuses d’ACCOR » !


Nouveau management et décentralisation
Signes ostensibles de précarité au collège E. Rostand

A la rentrée de Septembre 2001, la direction du collège E. Rostand (Marseille 13e) est renouvelée. L’établissement est exempt de vie syndicale. Les équipes tournent, les jeunes collègues confrontés à la zone sensible se débattent avec leurs problèmes. Deux ans plus tard, l’établissement est en ébullition. Que s’est-il passé entre temps ? Lors d’une grève en solidarité à un collègue agressé, les langues se délient.

Il s’avère que les pratiques de la hiérarchie sont extrêmement autoritaires. Au long de l’année 2003, les exemples de situations de harcèlement moral à l’encontre des CES, de zizanie entre les personnels se multiplient. On distribue les primes de façon sélective aux TOS, des sorties accordées à des collègues ne le sont pas à d’autres. Les CA sont scandaleusement expédiés, la gestion est opaque. Nos revendications sont balayées par Mme le Principal qui affirme être la seule habilitée à décider.

En septembre 2003, nous constatons à quel point nos réserves au sujet du statut d’Assistant d’Education étaient fondées. M. Sophiane B., AE en période d’essai est viré pour avoir répondu sèchement à Mme le Principal. Puis à la mi-décembre, M Fayçal B., emploi-jeune depuis 5 ans arrive au terme de son contrat et souhaite rester à Rostand en devenant AE. Refus catégorique de la direction qui trouve chaque jour un nouveau prétexte, plus bancal que le précédent. Le 19 janvier, la grève est votée. Nous sommes reçus en audience le 21 à l’inspection Académique où l’on prend acte de nos revendications : réembauche de Fayçal B. et venue d’un médiateur au collège. Elles resteront lettre morte.

En mars, les professeurs d’EPS écrivent l’avant dernier chapitre de cette triste saga. Leurs conditions de travail déplorables (gymnase fissuré et à demi-condamné, problèmes de sécurité lors des trajets vers les installations extérieures) les poussent à garder les élèves dans la cour. Le « soutien » de l’administration consistera à les compter grévistes.

L’épilogue concerne M. Cotta, Accompagnateur Technique en Informatique (ATI) [3]. En revenant d’un stage syndical, il apprend qu’il est convoqué par son employeur (la F.A.I.L qui sous-traite la gestion des ATI pour le Conseil Général) pour lui signifier que la principale se plaint de ses absences répétées. Celles-ci, d’ordre syndical et professionnel, sont toutes justifiées et la F.A.I.L. se doit d’assurer tous les remplacements des ATI absents. Or elle n’est pas en mesure de le faire puisque le Conseil Général n’a pas prévu de contingent de remplaçants.

La direction du collège profite donc du manque de moyens alloués à la F.A.I.L. pour se débarrasser de M. Cotta, qui est muté dès la mi-mai ! Il s’agit là d’un acte de répression syndicale puisque M Cotta est muté de force, sans aucune faute professionnelle. Les interventions des syndicats Sud-CGT-CNT auprès du Conseil Général ont permis l’embauche d’une brigade d’ATI remplaçants et le retour de M Cotta à Rostand en septembre 2004. Cette nouvelle niche de précarité semble donc éradiquée.

Ces trois années de règne unilatéral au collège Rostand nous ont poussés à nous mobiliser et à nous structurer. Mais si les enseignants ont réussi à se préserver des abus les plus graves, ils ont en partie échoué face à la répression sur les personnels précaires. C’est pourquoi nous sommes allés rencontrer nos collègues de l’établissement où sera affectée notre principal à la rentrée 2004, pour leur faire gagner du temps quand le moment viendra de s’affronter à ce prototype de chef d’établissement du XXIe siècle.


[1Ceci n’est pas sans rappeler la politique menée dans la Fonction Publique en cas de poursuites disciplinaires, avec un certain succès auprès des « gros » syndicats : l’administration et les syndicats négocient une sanction minimale, voire l’arrêt de la procédure, en échange de la non publicité de l’affaire et d’une attitude « profil bas » par la suite. Nos camarades des Bouches-du-Rhône et du Vaucluse ont courageusement refusé de se prêter à ce jeu (cf. article), la mobilisation a fini par faire reculer le Recteur.

[2La notion d’« action concertée en bande organisée » permet de viser l’action syndicale : qu’est-ce donc qu’un syndicat, sinon une bande organisée ?! Cette interprétation ferait sourire si la convocation de Charles Hoareau, (responsable CGT ayant mené les chômeurs recalculés de Marseille à la victoire) en vue du relevé de ses empreintes génétiques ne confirmait la possibilité de telles dérives.

[3L’opération Ordina13, financée par le Conseil Général consiste à fournir un ordinateur portable à chaque élève de 4e et de 3e avec en sus un forfait internet de 10 heures.

Répondre à cet article



Suivre la vie du site RSS 2.0 | Réalisé avec SPIP, valide Valid XHTML 1.0 Transitional et Valid CSS!
L'équipe du site se réserve le droit de modérer les messages non conformes à la nétiquette