La lutte syndicale sous camisole

jeudi 1er mars 2007

Roland Veuillet a été injustement sanctionné en 2003 pour fait de grève ; il avait refusé un ordre oral du proviseur adjoint lui demandant de remplacer des surveillants grévistes par des élèves majeurs. Cette sanction était un acte prévu, de longue date, par sa hiérarchie qui voulait faire taire un militant intègre qui s’était opposé à la plate-forme technologique, une des premières en France et qui faisait du Medef un partenaire du lycée Dhuoda, dans lequel il exercait la fonction de CPE. Ceci s’est accompagné de faux en écriture du proviseur qui ont été couverts par le Recteur. Recteur et proviseur n’ont donc trouvé d’autre solution qu’une sanction disciplinaire (mutation à Lyon) pour que Roland cesse de les empêcher de mener à bien leur politique d’entrée de l’entreprise dans l’école.

Depuis, Roland n’a cessé de se battre pour faire annuler cette sanction. Il a ainsi couru plus de 16000 km pour dénoncer la répression syndicale (il a nommé ces marathons « arbitrairathons ») Il a également mené divers recours juridiques, dont celui devant la Commission des Recours du Conseil Supérieur de la Fonction Publique. Celui-ci a rendu un avis tranché (ce qui est extrêmement rare) demandant que « toute forme de sanction à l’encontre de Roland Veuillet soit annulée ». Le ministre de l’Éducation Nationale est passé outre cet avis, qui bien que consultatif, a été signé par le Premier Ministre. Lors de l’audience à la Cour d’Appel Administrative de Lyon en octobre 2006, le commissaire du gouvernement a lui aussi demandé l’annulation de la sanction de Roland en précisant qu’il avait « agi avec professionnalisme et dévouement en gérant comme il l’a fait le problème de la surveillance de l’internat ». Pourtant, la Cour d’Appel, en jugeant la forme et non le fond, a une fois de plus confirmé la sanction.

Devant le silence des ministres de l’Éducation Nationale successifs, Roland a fait une première grève de la faim de 39 jours devant le ministère en août-octobre 2005. Il a accepté de cesser celle-ci lorsqu’un médiateur, qui devait revoir l’ensemble du dossier, a été nommé. Or celui-ci a pris tout son temps pour rendre un rapport mensonger à charge contre Roland. Se trouvant une nouvelle fois dans l’impasse, il a de nouveau entamé une grève de la faim le 24 décembre 2006. Lors de cette dernière, les provocations du ministère se sont multipliées. Roland a reçu plusieurs lettres le menaçant de le déclarer en abandon de poste, alors qu’il était en grève couvert par un préavis (Robien semble avoir oublié que le droit de grève est encore un droit constitutionnel). Le ministre a de nouveau nommé un médiateur au 53e jour de grève de la faim. Les organisations syndicales ont accepté et se sont à nouveau faites balader par le sbire de Robien.

Pendant ce temps, l’administration s’est acharnée sur Roland afin de briser son combat. Il a ainsi été interné en hôpital psychiatrique par les autorités. Ces pratiques dignes des pires régimes montrent bien la détermination dont l’État peut faire preuve pour baillonner un militant gênant. On peut ainsi lire dans l’avis du premier psychiatre que Roland « refuse tout traitement psychotrope pouvant permettre une atténuation de ses revendications ». Fort heureusement, les personnels de l’hôpital psychiatrique ont fait leur travail sans plier devant les pressions dont ils ont certainement été victimes. Grâce à leur professionalisme, le fait de revendiquer ne sera pas apparenté à la folie ou à des troubles mentaux. C’est certainement la première fois, depuis très longtemps, dans l’histoire de France qu’on a cherché à psychiatriser un conflit social, qu’on a voulu faire passer pour fou un homme qui lutte contre une injustice. Ceci ayant échoué ; la course de lenteur du médiateur s’est donc poursuivie, jusqu’à ce que Roland, épuisé, cesse sa grève de la faim au 57e jour. Robien a ainsi montré le mépris qu’il pouvait avoir de la vie et de la santé d’un homme, et a donc continué ses provocations en proposant des « solutions » qui ont déjà été proposées à Roland il y a au moins 2 ans.

Roland et son comité de soutien, tout comme l’intersyndicale nationale, continuent d’exiger l’annulation de la sanction sur la base de l’avis du CSFP avec toutes les conséquences de droit, retour à la situation antérieure à Dhuoda, retrait des pièces à caractère syndical du dossier professionnel, rétablissement de la note, reconstitution de la carrière, réparation du préjudice subi.

Roland en choisissant comme mode d’action la grève de la faim étant conscient de sa principale limite, celle d’une action inidividuelle. Il aurait préfère comme tout militant les actions collectives. Or jusqu’au 24 décembre, même si les syndicats le soutenaient ils n’avaient enclenché aucun mouvement pour faire aboutir ses revendications. Soixante jours plus tard, les choses ont évolué car des actions se sont multipliées en France pour soutenir la lutte de Roland : rassemblements et actions dans de nombreuses villes de France, grévistes de la faim solidaires, blocage de lycées par des élèves, déclaration d’unions départementales de syndicats... Cette mobilisation ne doit pas cesser, elle se poursuivra lors des dépôts de plainte futures au sujet de l’internement abusif, et de l’acharnement anti-syndical.

Le combat de Roland est exemplaire, car c’est celui d’un syndicaliste victime de répression anti-syndicale du fait des ses revendications. De plus il n’a jamais accepté les « arrangements » que lui a proposés le ministère, il a poursuivi sa lutte afin de faire reconnaître l’injustice de la sanction qui l’a frappé et démontrer qu’on ne peut sanctionner impunément un militant pour ses activités. Il défend également les droits collectifs en affirmant qu’on ne peut remplacer des grévistes, il s’oppose à l’avancée constante du capitalisme dans le monde éducatif. Ce combat n’est donc pas un combat individuel mais celui de tous les individus qui veulent s’opposer à l’État et au capitalisme. Un coup porté contre Roland est un coup porté contre tous et toutes. Si nous ne luttons pas pour sa réhabilitation, nous préparons les répressions qui nous frapperons plus tard.

Mickaël (CNT Education 69 et membre du comité de soutien à Roland Veuillet)

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