Jusqu’au bout du jeûne...

dimanche 18 février 2007

En grève de la faim depuis 57 jours, un CPE réclame l’annulation de sa mutation

Roland Veuillet, ici vendredi à Nîmes a reçu le soutien de Bové et Besancenot
Roland Quadrini / KR Images pour le JDD

Il porte un survêtement et des baskets, comme au temps pas si lointain où il s’entraînait pour le marathon tous les soirs après le travail. Mais aujourd’hui, à son 57 jour de grève de la faim, sa démarche, lente et apeurée, est celle d’un vieillard. Depuis le 24 décembre 2006, Roland Veuillet, conseiller principal d’éducation (CPE) de 51 ans, n’a rien mangé, ne buvant que de l’eau, du thé et des infusions, six litres par jour. Il ne pèse plus que 62 kg, au lieu de 82. Les mauvaises langues du ministère de l’Éducation nationale, qui doutent de son honnêteté, n’ont pas dû l’approcher récemment.

Marseillais d’origine, ancien ouvrier des chantiers navals de La Ciotat (Bouches-du-Rhône), Roland Veuillet réussit le concours de CPE en 1993 et intègre un lycée professionnel de Nîmes. Élu syndical au Snes, puis à Sud Education, il va s’opposer deux fois à son proviseur. Il s’en prend d’abord à un partenariat signé entre l’établissement et le Medef, puis, en janvier 2003, s’insurge contre la nomination, par la direction du lycée, d’élèves majeurs chargés de remplacer les surveillants de l’internat en grève. Roland Veuillet renvoie les « briseurs de grève » et les remplace seul, au risque, affirme sa hiérarchie, de mettre en péril la sécurité des 144 internes. Il est suspendu quatre mois puis muté à Lyon.

On veut l’envoyer à 300 km de Nîmes, où vivent sa femme et ses enfants

Le CPE entame alors une grève de la faim qui durera 39 jours, jusqu’à la nomination d’un médiateur. Mais les sanctions sont maintenues malgré le soutien du Conseil supérieur de la fonction publique d’État puis du commissaire du gouvernement, qui, le 17 octobre 2006, évoque le « professionnalisme » et le « dévouement » de Roland Veuillet, et préconise l’annulation de toutes les sanctions prises à son égard, à commencer par sa mutation à 300 km de Nîmes, où vivent sa femme et ses trois enfants. Un mois plus tard, la Cour administrative d’appel de Lyon va à l’encontre de ces recommandations et rejette la demande de pourvoi de Roland Veuillet. Le 24 décembre, au moment où débutent les vacances scolaires de Noël, il débute une nouvelle grève de la faim.

Syndicaliste, Roland Veuillet préfère l’action collective aux gestes individuels, les manifestations aux grèves de la faim menées seul dans une camion­nette garée devant le rectorat ou, désormais, dans les locaux de Sud Éducation. Pourtant, il a une nouvelle fois opté pour cette forme d’action radicale, qui, ses proches le craignent, « lui laissera sans doute des séquelles irréversibles ». Aujourd’hui quelqu’un veille en permanence sur lui, au cas où il s’évanouirait. Il lit, marche un tout petit peu, somnole ou dort. José Bové, Olivier Besancenot, des élus communistes, les représentants des principaux syndicats de l’Éducation nationale l’ont appelé ou lui ont rendu visite. « Je ne veux pas passer mon temps allongé sur un matelas pour faire pleurer sur mon sort. Mais là, je sens mes forces partir. »

Mercredi, Roland Veuillet a été placé d’office dans un hôpital psychiatrique. Dès le lendemain, les médecins l’ont remis en liberté. L’Union syndicale de la psychiatrie a condamné cette hospitalisation, ajoutant que « la psychiatrie n’est pas un goulag où l’on enferme opposants et contestataires sur décision arbitraire d’un pouvoir politique » Le jusqu’au-boutisme du CPE en a été renforcé : « Je ne m’alimenterai pas tant que le ministère ne rouvrira pas mon dossier. »

Joint hier, le médiateur du ministère de l’Éducation nationale, Jean-Marie Jutant, révèle qu’il proposera « une solution de sortie de crise honorable pour tout le monde » dès demain. Sans doute la réouverture de l’enquête administrative exigée par le conseiller principal d’éducation. Vendredi, tandis qu’une banderole « Justice pour Roland Veuillet, Robien assassin ? » était déployée devant la préfecture du Rhône, un médecin expliquait au CPE que le dépassement des 60 jours de grève de la faim s’accompagnerait « forcément d’un accident de santé très grave ».

Alexandre Duyck

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